16 juin 2016

Temps de lecture : 7 min

Le tour du monde des shoppers en trois nations (2/3) : Les tribulations consuméristes d’un chinois en Chine

La Chine a renoué avec l'économie de marché dans les années 1970 et est en passe de devenir la première puissance mondiale. Il va sans dire qu'elle s'est éveillée, dans sa totalité, mais chacune de ses parties en fait son dynamisme : un milliard 367 820 de Chinois, ça ne passe pas inaperçu

La Chine a renoué avec l’économie de marché dans les années 1970 et est en passe de devenir la première puissance mondiale. Il va sans dire qu’elle s’est éveillée, dans sa totalité, mais chacune de ses parties en fait son dynamisme : un milliard 367 820 de Chinois, ça ne passe pas inaperçu

Toujours plus nombreux et voyageurs, les shoppers chinois, de classe moyenne comme milliardaires, sont l’objet de toutes les convoitises. Mais ce sont leurs goûts, comportements et usages qui sont scrutés de près. Le marché est porté par de jeunes consommateurs urbains sans tabous, avides de nouveautés, exigeants et hyper-connectés. Cosmopolites, ils fixent l’agenda. Plus encore, les futurs marchés de la consommation seront toujours plus sinoïsés. Autant connaître quelques-unes des obsessions de ce shopper mobile, social et sous stéroïdes…

ADDICT AUX SMARTPHONES… ET AUX APPLICATIONS

On l’appelle la « Smartphone Nation ». Les mobinautes en Chine avoisinent le milliard, 45 % ont un smartphone et ils devraient être 49 % en 2017, soit plus de 1,2 milliard. Les smartphones y seront leur principal canal d’achat1, très loin devant les Américains, et plus encore des Français, Allemands ou Anglais. Sans compter que les mobinautes (utilisateurs de tablettes ou smartphones) ont dépassé le nombre d’internautes sur PC pour la première fois en 2014, et que sur les quatre premiers mois de 2015, les Chinois utilisant des appareils mobiles (smartphones, tablettes et autres mobiles) ont réalisé près de la moitié des achats en ligne (vs 33 % au Royaume-Uni, 22 % aux États-Unis et moins de 20 % en France).

Les plus jeunes des consommateurs passent le plus clair de leur temps à interagir avec des applications. Que ce soit pour jouer (en tête de leurs usages), acheter ou regarder des vidéos, nulle part ces comportements de la génération « head down » [littéralement « tête baissée », sous-entendu vers un outil technologique] ne sont plus massivement visibles que dans le métro chinois. Une preuve de l’explosion du tourisme, de très loin d’abord en Chine continentale, et à l’étranger, les téléchargements de l’application du voyagiste chinois Ctrip ont dépassé les 800 millions au 1er trimestre 2015, et ses chaînes mobiles ont représenté 70 % des transactions sur la même période. Les revenus mobiles de son concurrent Qunar ont augmenté de 300 % au 2e trimestre 2015 vs la même période 2014.

ADDICT AUX RÉSEAUX SOCIAUX… ET AUX BONNES AFFAIRES

Il y aurait autant d’utilisateurs de réseaux sociaux que d’internautes chinois, soit environ 660 millions, et 575 millions s’y connectent via mobiles. C’est sur la messagerie QQ qu’ils se retrouvent les plus nombreux, avec près de 850 millions d’usagers actifs mensuels, WeChat en comptant plus de 600 millions. Mais c’est surtout l’influence des médias sociaux sur les décisions d’achat qui est plus forte que dans n’importe quel autre pays : pour 90 % des consommateurs chinois, cette interaction est plus incitative à l’achat2. Ils y passeront plus de temps que leurs homologues américains – et la moyenne mondiale – pour suivre leur marque favorite, en rechercher ou en découvrir une nouvelle, commenter une expérience ou regarder une vidéo montrant un produit/une marque. Tencent, en intégrant l’e-commerçant JD.com, et Alibaba en prenant une participation dans Weibo, ont chacun mesuré l’importance du social dans les achats des Chinois. Le retailer japonais Uniqlo est un bon exemple de l’engagement qu’il suscite auprès de ses fans chinois : un tiers de ceux-ci sur WeChat achèteront dans ses magasins, et plus de 25 % de ses clients surfent sur son application.

Il est courant de voir des séries limitées de voitures faire l’objet de ventes flash en ligne, largement partagées sur les réseaux, où sont écoulées parfois en quelques minutes des centaines d’unités. À l’instar des téléphones mobiles Xiaomi, exclusivement vendus sur Weibo.

ADDICT AU MAGASIN TRADITIONNEL… ET AU SHOP-ENTERTAINMENT

L’e-commerce est en plein boom : les ventes en ligne ont augmenté de 48,7 % sur le 1er semestre 2015, et le Chinois y achète en priorité prêt-à-porter et accessoires, cosmétiques et électronique grand public. Mais les ventes sur le circuit classique dominent de très loin (90 %) et devraient encore représenter 80 % d’ici à 2020. Le e-commerce cross-border (transfrontalier), s’il est encore une activité de niche, va croître ; avec une classe moyenne en constante progression, l’assurance de qualité est l’item phare qui détermine l’achat de produits étrangers, très loin devant le prix.

Si le show-rooming est une réalité globale, et une norme chinoise1, les Chinois sont également adeptes du web-rooming. À 85 %, ils commencent leur recherche en ligne, 30 % y valident leur achat d’abord avec une visite en magasin, et 63 % des acheteurs augmenteront leurs dépenses dans un magasin traditionnel grâce à un site de e-commerce. Mais pour les marques de luxe, les millennials [les enfants du millénaire ou génération Y] chinois – qui devraient dépenser deux fois plus que leurs homologues d’Asie Pacifique en 2016 – continuent à 64 % de préférer la boutique à un site de e-commerce local (9 %)1.

L’engagement digital sur le point de vente est au plus haut chez les Chinois. Offres personnalisées en temps réel, couponing, QR code pour un accès à du contenu additionnel, paiement mobile ou via une application mobile tel WeChat Payment, murs vidéo, vendeurs munis de tablettes ou même wifi en magasin sont autant de technologies et services garants d’une meilleure expérience d’achat, beaucoup plus que pour le consommateur global1. Une expérience également recherchée en ligne : les Chinois peuvent depuis cet été, sur le site B to C Tmall, expérimenter diverses simulations d’environnement shopping au travers de la cabine d’essayage virtuelle Mota, qui a attiré plus de 130 marques, dont Topshop, Gap, Levi’s… Et JD.com a récemment lancé l’application JD Wardrobe pour mobiles (smartphones, tablettes et autres mobiles) qui permet des essayages « mix-and-match » dans un vestiaire virtuel, de partager une sélection d’articles avec des amis et de recevoir des conseils mode d’experts virtuels.

ADDICT AUX SERVICES… ET AU PAIEMENT IN-APP

Apportez quelque chose de nouveau, pratique, ludique, avec un bon deal, et le shopper chinois devrait vous le rendre. Lors du Nouvel An en février dernier, la chaîne de bijoux hongkongaise Chow Tai Fook a exploité la technologie iBeacon sur 237 de ses magasins dans quatre villes ; les personnes s’en approchant étaient invitées à activer la fonction Bluetooth de leur smartphone et récoltaient des coupons de réduction en secouant leur téléphone via l’application WeChat. Résultat : plus de 32 000 participants ont activé la fonction Shake près de cinq fois en moyenne, avec un taux de conversion de 60 % qui a représenté 21 000 ventes.

Nulle part ailleurs qu’en Chine le O20 [Offline To Online/Online To Offline : services, pick-up et livraisons à domicile, réservations, click & collect, services de géolocalisation] n’est autant une réalité dans la vie quotidienne : massage, manucure, pressing, lavage de voiture, covoiturage, traiteur, karaoké, etc. Et le rapprochement entre géants du commerce traditionnel de l’entertainment, de l’immobilier et des pure players a son lot d’annonces « quotidien ». Robin Li, le CEO de Baidu a mis le push O2O en tête de l’ordre du jour de la Baidu World Conference en septembre, et a martelé : « We need to win the high-frequency war! » : celle des services comme la livraison de nourriture, les billets de cinéma et les trajets en voiture.

Depuis des années déjà les Chinois paient, transfèrent de l’argent via leur mobile. WeChat, notamment, a mis au grand jour leur extraordinaire appétence pour ces transactions faciles et les paiements via QR code. Après Walmart au printemps 2015, les Chinois ont commencé à l’automne, et dans 2 000 points de vente d’ici à la fin de l’année, à pouvoir payer chez McDonald’s avec leur mobile et le système Alipay en scannant un QR code. La chaîne d’hôtels Marriott International a également annoncé ce service en Chine continentale, Hong Kong et Macau, et en Asie d’ici à mi-2016.

ADDICT AU LUXE ET AUX VOYAGES

Les 18-30 ans sont les premiers consommateurs de luxe en Chine, bien plus jeunes qu’à l’Ouest ! L’assurance de qualité et d’authenticité, le rapport qualité/prix et la fidélité sont les piliers de la préférence des millennials chinois (mais aussi vietnamiens, sud- coréens et hongkongais) pour les marques occidentales.

Une préférence qu’ils manifesteront en effectuant 70 % de leurs achats de produits de luxe à l’étranger, d’une part à la demande et sur recommandation de leurs amis et de leur famille, d’autre part forts d’une expérience antérieure. Plus de 234 millions de touristes chinois sont attendus d’ici à 2020, avec un panier moyen à la hausse2. Dès lors, le magasin en Chine, d’abord « hub CRM » comme source d’information, lieu d’éducation et de construction de la relation pour favoriser la préférence de marque, avant d’être un lieu de vente3 ?

Le groupe hongkongais Li Fung vient d’ouvrir Explorium à Shanghai, en partenariat avec IBM et Pico : un laboratoire, véritable plateforme omnicanale dont l’objectif est d’imaginer le retail de demain. Les marques et retailers membres peuvent y tester et évaluer en temps réel l’interaction des consommateurs avec des concepts high-tech, et en exploiter les insights et data. Pour Victor K. Fung, chairman de Fung Group : « Tout ce que nous pensions connaître de la façon dont les consommateurs décident quoi acheter, où, quand, comment, et comment payer, est en train de changer partout dans le monde, et particulièrement en Chine. » Explorium ou l’homo-conso décrypté. Pour Andrew Keith, président de Lane Crawford, le grand magasin de luxe hongkongais qui fête cette année ses 165 ans : « We are not teaching them. They are teaching us. » Tout est dit…

1. Rapport PricewaterhouseCoopers « Delivering on O2O: How Chinese retailers can respond to the blurring of online and offline ». PwC a mené son étude sur 19 territoires ; trois résultats sont donnés : Chine, États-Unis, ainsi qu’une moyenne globale.
2. China Luxury Advisors (chinaluxuryadvisors.com).
3. Lire « Exclusive, Personalized, Instantaneous? Defining Priorities for Luxury Brands at JotLC Paris » sur Albatross Global Solutions (albatrossasia.com).

A lire aussi : Le tour du monde des shoppers en trois nations (1/3) : le Brésil

Article tiré de la revue INlfuencia sur le Shoppers. Pour s’abonner suivez l’image !

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