1 juillet 2013

Temps de lecture : 5 min

La Revue INfluencia : inventer le modèle économique de demain

Le centre de gravité des médias traditionnels est en train de devenir le numérique. S’il fragilise les modèles économiques et les organisations, le digital permet de nouer avec leur audience une conversation qui ouvre de nombreuses perspectives en termes de CRM

Le numérique révolutionne les médias comme tous les secteurs d’activités. En miniaturisant les équipements, en leur permettant d’être connectés en permanence ou de se synchroniser les uns avec les autres sans liaison physique, le digital a amplifié des usages qui s’étaient déjà individualisés avec la mobilité et le multi-équipement. De manière assez paradoxale, c’est au moment où ils accompagnent chaque moment de notre vie (42,5 contacts médias et multimédias par individu et par jour selon Médiamétrie) que les médias sont les plus challengés sur leurs modèles économiques et leurs organisations.

Un effet de ciseau violent

Au fil du temps, ils ont investi dans des supports qui créent une nouvelle chronologie des médias. Une marque média alerte son public sur le mobile, lui propose un éclairage sur son site Internet, le met en perspective lors des grands rendez-vous fédérateurs que sont le 20 heures pour la télévision ou l’édition du lendemain pour les quotidiens… Dans cette logique d’accessibilité maximale, les chaînes de télévision proposent une offre « de rattrapage » de leurs programmes de flux, consultables à la demande pendant sept jours après la diffusion à l’antenne, puis de manière payante en vidéo à la demande.

En proposant leurs contenus gratuitement sur le net, les médias ont considérablement augmenté leur audience et multiplié les points de contact avec leur public, mais ils sont aussi entrés de plain-pied dans un modèle où le gratuit est roi et où la publicité n’atteint pas – et de loin – les tarifs du print ou du petit écran. L’effet de ciseau, encore renforcé par la conjoncture, est particulièrement violent dans la presse. Bon nombre de titres ont fusionné, changé de périodicité ou disparu. La plupart des grands groupes ont lancé des plans de restructuration, voire des plans sociaux.

Certains secteurs, comme la presse informatique, ont presqu’entièrement basculé du papier au net. Si les médias audiovisuels sont sans doute plus avancés dans leur mutation numérique, ils sont pour leur part confrontés à l’augmentation du nombre de chaînes gratuites. Ils voient de plus arriver dans leur univers très réglementé de nouveaux concurrents over the top (Google, Apple, Microsoft, Amazon, Netflix…) qui utilisent la toile mondiale pour diffuser de manière totalement dérégulée des contenus audiovisuels. Pour les uns et les autres, c’est toute la chaîne de valeur qui est au mieux fragilisée, le plus souvent à réinventer.

Inventer le modèle économique de demain

Pour tous ces médias, l’enjeu consiste à produire les contenus qui pourront sécuriser leur support traditionnel – à ce jour le plus contributeur au chiffre d’affaires – et irriguer les différentes déclinaisons de leur marque sur les supports numériques. D’où l’importance de faire avancer tous les canaux en même temps. « Quand nous avons créé un journal du septième jour, cela nous a permis de dégager 10 millions d’euros. Avant de faire 10 millions d’euros sur le numérique, il faut déployer beaucoup d’efforts… », souligne Jacques Hardoin, directeur général du groupe Voix du Nord, qui a lui aussi multiplié les nouvelles formules, développé les déclinaisons print, lancé des suppléments…

Pour s’adapter à la fragmentation des audiences, les chaînes de télé ont de leur côté investi dans de nouveaux genres très fédérateurs (talent shows, formats courts…) ou exploré des formats plus adaptés à la nouvelle donne économique, comme la scripted reality.

Si tous les médias ont engagé leur mutation numérique, ils ne sont pas tous aussi avancés dans leur courbe d’expérience. Même ceux qui sont positionnés de longue date sur le numérique, comme le groupe Le Monde, doivent prendre des options stratégiques :  » Il y a dans le groupe une culture très ancrée d’évolution permanente, d’innovation. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase d’accélération de ces mutations « , indique Isabelle André, PDG du Monde Interactif.  » Il s’agit d’inventer la manière dont nous allons pouvoir continuer à innover sur tous nos supports et assurer une continuité des usages entre les différents devices. Demain, quand un lecteur pensera au Monde, il ne pensera pas forcément à l’écrit  ». Le quotidien entend devenir une référence sur des formats qui ne sont pas natifs de la presse.

L’adaptation aux nouveaux usages et aux nouvelles technologies permet aussi de préempter certaines positions. « Depuis sa création, le groupe M6 s’est toujours positionné sur les nouveaux territoires dès lors qu’ils présentaient une opportunité de développement. Si nous ne nous occupons pas de répondre aux usages qui découlent de la technologie, d’autres le feront à notre place », assure Valéry Gerfaud, DG de M6 Web. Le groupe a ainsi été parmi les premiers à proposer la catch-up sur les box. Il a été présent très tôt sur la télé de Sony, les consoles, le mobile, les tablettes…

Désormais, c’est autour de la vidéo que se concentrent bon nombre des investissements. Ce format, qui correspond à un usage majeur de la consommation des internautes, bénéficie d’un marché publicitaire très porteur. Les médias audiovisuels y voient le moyen de monétiser leur offre de catch-up, agrémentée de bonus, de résumés…

Les médias écrits renforcent aussi leurs positions. Lefigaro.fr s’est enrichi fin mars d’une « chaîne » figaro.tv, sur laquelle il veut proposer une centaine de vidéos par jour à horizon fin 2014 (contre une trentaine début 2013). Comme plusieurs autres groupes de presse, Le Monde vient de se doter d’un studio dans lequel les signatures reconnues du journal (et même du groupe) pourront organiser des débats, mettre une actualité en perspective, enrichir une offre qui comporte par ailleurs de nombreuses infographies animées. L’Express diffuse 80 à 100 vidéos par semaine sur la chaîne de télé connectée disponible sur la box Orange, sous la marque Express Vidéo. Le Groupe Express Roularta (GER) veut proposer une chaîne vidéo sur tous les sites de son groupe.

La suite de cet article dans la Revue INfluencia sur les Médias avec : redéfinir la frontière entre gratuit et payant,  recrutement sur les réseaux sociaux,  un enjeu fort de CRM,  faire émerger les bonnes idées et quelles pistes pour demain ?

Christine Monfort

Causette : le décalage érigé en concept !

Lancé en 2009 grâce à un emprunt familial et un crédit à la consommation, Causette flirte avec les 55 000 exemplaires. Ce féminin trace sa route en s’appuyant sur ses lecteurs plutôt que sur la publicité. Explications de Gilles Bonjour, cofondateur et administrateur général…

INfluencia : Sur quels principes Causette a-t-il assis son modèle économique ?

GB : Depuis le début, nous adaptons le développement du magazine à nos moyens. Comme nous limitons la publicité à dix pages par numéro – que nous n’atteignons d’ailleurs pas toujours – il y a beaucoup de rédactionnel. C’est un magazine cher à fabriquer. Il a eu la chance de trouver assez rapidement son public, même si 87% des gens ne le connaissent pas encore. Le bouche à oreille est un bon moyen pour développer les ventes, mais c’est très lent.

Cela va mieux depuis que nous pouvons faire un peu de promotion. Aujourd’hui, Causette vit surtout de la vente au numéro et de l’abonnement. Il est à l’équilibre, mais il ne crée toujours pas d’excédent brut d’exploitation car les six actionnaires, qui travaillent tous dans le journal, réinvestissent dans la rédaction l’argent gagné.

INfluencia : Quelle est la place du numérique dans ce projet très tourné vers le papier ?

GB : Nous n’avons pas encore trouvé de modèle économique sur le numérique. Les anciens numéros sont assez demandés par les lecteurs qui découvrent le magazine. Les versions pdf seront sans doute un bon moyen de les monétiser. Notre site internet est une vitrine mais nous travaillons à une V3 avec un forum qui permettrait de faire migrer la communauté Causette de Facebook sur notre site. À moyen terme, nous aimerions proposer une application tablette.

En quatre ans, nous avons construit un magazine sain, mais nous sommes un peu au bout de notre investissement de départ et nous aurions besoin d’être épaulés par un partenaire financier. Si nous avions les moyens de faire plus de promotion, nous pourrions faire découvrir le magazine auprès de gens qui ne le connaissent pas mais qui sont pourtant dans la cible. Et continuer à développer la marque dans l’événementiel, la musique, les festivals…

Propos recueillis par Christine Monfort

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