22 avril 2020

Temps de lecture : 6 min

Quatre scénarios pour le futur de la consommation et du commerce

A quoi ressemblera le monde « d’après » en matière de consommation, de commerce, de rapport aux produits et aux marques et dans notre vie de tous les jours ? L’Échangeur BNP Paribas et l’Observatoire Cetelem apportent, à leur tour, leur pierre à la réflexion autour de cette question… abyssale.

A quoi ressemblera le monde « d’après » en matière de consommation, de commerce, de rapport aux produits et aux marques et dans notre vie de tous les jours ? L’Échangeur BNP Paribas et l’Observatoire Cetelem apportent, à leur tour, leur pierre à la réflexion autour de cette question… abyssale.

En collaboration avec l’Observatoire Cetelem, l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance dévoile les résultats d’une étude prospective réalisée dans le cadre de son événement annuel Commerce Reloaded et revisitée avec cette crise du Covid-19. « Cette enquête, qui s’appuie sur deux types d’indicateurs : macro et micro économiques, a permis de définir quatre scénarios privilégiés pour le futur de la consommation et du commerce, que la crise du Coronavirus, en rebattant les cartes, a certes modifiés mais aussi confortés, voire exacerbés », détaille Cécile Gauffriau, directrice de l’Echangeur.

Scénario 1 : les marques stars (Stars Systems)

Ce scénario incarne une réponse immédiate aux problématiques actuelles liées au Covid-19. Il voit les écarts se creuser entre les entreprises qui allaient mal, comme par exemple André en France, Macy’s ou JC. Penney aux USA et celles qui se portaient bien et sont sur le front de la bataille face au coronavirus, que ce soit pour nourrir les populations ou réinventer leurs services/produits pour fournir du matériel médical face à la pénurie (Tesco en Grande-Bretagne a ainsi réalisé un CA en hausse de 30 %. Walmart aux USA est au plus haut de son action boursière). Ce modèle valorise également une consommation de plus en plus digitalisée. En France, l’e commerce alimentaire (drive et livraison) a cru de 50 % depuis mars et 68% des baby-boomers ont passé durant cette période leur première commande en ligne, des usages qui vont se pérenniser. Aux États-Unis, Amazon n’accepte plus de nouveaux clients pour la livraison de produits alimentaires. L’application Walmart Grocery est la grande gagnante de cette tendance (+460% de téléchargement depuis janvier) dépassant même Amazon.

Internet sera le grand gagnant de la crise actuelle et un nouveau commerce émerge: le commerce en vidéo streaming. « La loi du plus fort et du plus résistant fera des leaders du commerce les grands survivants de cette période difficile, en particulier ceux qui auront su venir au secours des États pour se positionner en héros », commente Nicolas Diacono, analyste digital de l’Echangeur.

Scénario 2 : nos vies sous contrôle et sous surveillance (Life Central)

Il s’agit d’un modèle centralisé au sein duquel les États et les grands organismes reçoivent des citoyens la légitimité du bien collectif. ( D’après une étude Odoxa, 62% de nos concitoyens se déclarent prêts à télécharger et à utiliser une application de tracking). « Une perspective qui passe par la banalisation du tracking, du fait de la nécessité de centraliser les données en vue du déploiement massif des objets connectés et de l’intelligence artificielle », explique Guillaume Rio, responsable tendances technologiques pour l’Echangeur .

Susceptible de combiner ses actions avec les États, ce scénario est déjà nettement avancé en Chine et devient une option à la vue de la progression de l’influence des GAFAM et des BATX dans le monde occidental, qui accélèrent leurs projets de centralisation des données de santé, leurs investissements dans les objets connectés de santé et l’intelligence artificielle afin d’anticiper, détecter, prescrire et suivre les maladies infectieuses sous la bienveillance des états. « Le Covid-19 va accélérer l’intégration de nouveaux acteurs du commerce dans des pans entiers de notre vie. Cette avancée est possible et légitime, par l’approbation scientifique et la démocratisation des objets connectés dans le cadre de la santé. Une nouvelle économie est en passe d’émerger », analyse Guillaume Rio.

Scénario 3 : le triomphe du local (Made Locally)

C’est un modèle décentralisé articulé autour de systèmes à taille humaine qui devient une évolution naturelle à court terme. Les intérêts locaux et la solidarité garantissent la pérennité d’une société basée sur l’entraide. « On y note un renforcement du commerce de proximité (trafic en hausse de 11 % depuis mars selon Kantar) mais aussi un activisme territorial, nécessitant de fait une certaine autonomie des communautés locales », commente Nicolas Diacono, qui cite l’exemple de La Poste qui a ouvert les portes de sa plateforme Ma Ville Mon Shopping à 1200 commerçants de 160 communes ou encore « Le Panier Bleu », initiative québecoise soutenue par le gouvernement. Plus question de libre échange à l’échelle planétaire, il s’agit de retrouver une forme d’indépendance stratégique, économique et sociale. En légitimant les actions locales, ce scénario satisfait de nombreuses aspirations telles que la traçabilité, l’écologie, le soutien de l’emploi local, l’indépendance, comme INfluencia l’évoquait dans sa dernière revue consacrée aux Territoires…

Mais le commerce de proximité embrasse aussi la technologie qui se met au service des commerces locaux. Dans certaines villes aux USA des drones sont utilisés pour livrer des produits, en Grande Bretagne, des robots apportent la nourriture à plus de 200 00 habitants de la ville de Milton Keynes, En France deux expérience sont menées dans le Var et dans l’Isère… « La consommation locale est l’outil de la solidarité économique d’un peuple pour ses producteurs agricoles et ses entreprises. Elle répond aux enjeux écologiques, à la limitation de la mobilité et à la quête de transparence des consommateurs face à toute crise sanitaire. Made locally est l’élément stratégique pour recouvrer souveraineté et indépendance, de l’alimentaire au médical », précise Nicolas Diacono.

Scénario 4 : la victoire de l’intérêt collectif (Earth in Progress)

Ce modèle conversationnel basé sur l’intervention des sociétés civiles en faveur d’une plus grande conscience des enjeux pour l’humain, et notamment son environnement, engage les acteurs clés à des pratiques plus vertueuses, remettant en cause les modèles établis –  innovation de rupture, profitabilité… – au nom de l’intérêt collectif, ouvrant ainsi la voie d’une réflexion long terme en faveur d’une société durable et solidaire, quitte à revoir leurs priorités. C’est Qui le Patron ?! vient ainsi de solliciter ses sociétaires pour verser des revenus exceptionnels liés à la crise aux acteurs en souffrance. En peu de jours, le fond a déjà atteint 750 000 euros, renforcé notamment par Panzani et Carrefour. MAIF se distingue aussi en reversant l’économie liée au manque de sinistres à ses assurés auto et en leur proposant d’en faire don aux hôpitaux. En Allemagne les salariés de McDonald’s viennent renforcer ceux d’Aldi. Les initiatives impliquant consommateurs, producteurs, distributeurs,… sur un même projet, ouvrent la voie d’une réflexion long terme en faveur d’une société durable et solidaire.

« Ce scénario remet en cause l’idée même du progrès passé et de la croissance à tout prix. Il est au coeur du débat public, à l’heure où les autres scénarios s’inscrivent majoritairement dans l’urgence. Il pourrait devenir le projet de fond pour faire face à une crise structurelle dont le salut repose sur l’action collective en prise avec la pérennité de toutes vies sur terre », explique Cécile Gauffriau. Et elle poursuit :« pour changer le monde il faut se changer soi-même. L’engagement pourrait prendre une nouvelle tournure. Après la philanthropie, les entreprises ont pris le virage de l’engagement, révisant leur modèle pierre après pierre. La question d’une refonte plus radicale de modèles centrés sur l’humain, le volontariat, la co-construction et la solidarité pourrait devenir le moyen de sortir par le haut de cette crise structurelle ».

7 leviers pour un nouveau monde

Un nouveau monde est donc en train de se préparer, avec ses codes, ses organisations, ses technologies mais aussi ses valeurs. Pour y arriver, 7 leviers  devront être actionnés:

1. Marques et enseignes pourront devenir les labels d’une autre consommation, moins transactionnelle, moins basée sur le consumérisme à tout va.
2. L’avènement de l’économie des plateformes invitera à globaliser la proposition de valeur. La santé en deviendra le fer de lance si ce n’est le cheval de Troie.
3. L’immixtion du monde privé avec le public n’en sera que plus inéluctable. Se posera la question des gouvernances face à la puissance de certains acteurs.
4. L’autonomie, voire l’indépendance des territoires, posera la question d’une redistribution des responsabilités et d’un nouvel équilibre mondial.
5. L’innovation technologique deviendra aussi suspecte que salutaire quand le digital se révèle indispensable et présente des opportunités.
6. La consommation sera réarbitrée car conscientisée. Les impacts directs et indirects de notre confort marginal seront beaucoup plus présents.
7. La responsabilisation de tous sera engagée. Elle reposera la question du sens du progrès quand la durabilité de notre société n’aura jamais été autant au cœur des préoccupations

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