25 septembre 2013

Temps de lecture : 3 min

Les noms de marques ont-il un genre ?

Le parfum « J’adore » de Dior fait durablement partie du classement des 10 féminins les plus vendus en France. Si les noms de marque ont un genre perçu, celui de « J’adore » est féminin. Pourrions-nous imaginer un homme choisir, pour lui, un parfum se dénommant « J’adore » ? Analyse de Womenology.fr et de aufeminin.com.

Les femmes sont, bien évidemment, à l’origine du succès du parfum dont le nom, l’identité visuelle et le territoire de communication renvoient à un univers empreint d’esthétisme, de féminité et de passion.

Les marques ont un genre perçu

Oui, les marketers commencent à inscrire dans leur stratégie de communication la diversité des modèles familiaux (Eram, The Kooples) et oui, elles s’intéressent à l’implication grandissante des pères dans la vie des foyers (Pampers). Mais les évolutions restent lentes et les codes stéréotypés restent très présents dans l’univers du marketing.

Ainsi, les parfums féminins se nomment : Chance, La Petite Robe Noire, Coco Mademoiselle, Flower, Angel, Honey, Amor Amor, Trésor, Idylle, Womanity, Noa. Pourrait-on imaginer que ces produits soient achetés dans les linéaires par des hommes, pour eux ?

Pour la gente masculine, les parfums Fahrenheit, Antaeus, Booster, Egoïste renvoient à un univers masculin tout comme les crèmes Aquapower, Bonne Gueule de Nickel, et Men Expert Invincible. Est-il envisageable que ces produits soient achetés et utilisés par des femmes ? Les marques de cosmétiques restent assez sexuées alors que le secteur de l’habillement ne l’est plus sur de nombreux segments (jeans, vêtements casual…).

Des signalétiques de marques sexuées : visuelles, sonores et grammaticales

Les noms de marques restent majoritairement porteurs de signalétiques sexuées. « Dans les langues où les noms d’objet dans le langage courant ont un genre, nous pouvons relever des tendances selon le positionnement du produit et/ou le rapport que la marque souhaite instaurer entre le produit et le consommateur », relève Bénédicte Laurent, Dirigeante-fondatrice de Namae Concept. Les marques iPhone et Blackberry ont, à titre d’exemple, un genre masculin.

Les couleurs, les formes, les sonorités, les matières et les impressions créées sexualisent les marques. Le violet, le rouge, le rose, les couleurs pastels, les formes arrondies, les typographies élancées, les textures « velours » séduiraient davantage les femmes (Les Rencontres du Gender Marketing, Martine Rigollot). « Des études ont montré que les consommateurs vont préférer, en Espagne comme en France, les noms de marque perçus masculins pour un type de produit utilisé majoritairement par des hommes, et perçus féminins pour un type de produit utilisé majoritairement par des femmes (Yorkston & De Mello, 2005). Ainsi un whisky appelé Aizo sera mieux évalué et mémorisé qu’un whisky Aiza, tandis qu’une margarita Aiza sera mieux évaluée et mémorisée qu’une margarita Aizo. » témoignent Isabelle Ulrich, enseignante chercheur à Rouen Business School et Elisabeth Tissier-Desbordes, Professeur à l’ESCP Europe.

Il existe, bien sûr, des contre-exemples qui échappent à ces usages. Il ne faut pas nécessairement être une marque féminine pour s’adresser aux femmes : Monsieur Propre, Docteur Pierre Ricaud et Total Repair Extreme (L’Oréal Paris) portent une masculinité tout en ayant choisi de cibler les femmes. Pourquoi avoir choisi un nom masculin ? Pour symboliser l’expertise… un territoire encore davantage perçu comme masculin.

Le marketing renforce-t-il alors les stéréotypes de genre ou répond-il seulement au besoin de codes stéréotypés des consommateurs ?

Paradoxalement, la majorité des femmes souhaite la fin des stéréotypes mais leurs comportements d’achat dans les linéaires ne reflètent pas leurs attitudes. « Je rêverais d’une gamme nature, où les produits, même s’ils n’ont pas les mêmes fonctionnalités, présenteraient des codes et des signes rapprochés. C’est d’ailleurs ce qui se passe au sein d’une famille, tout le monde s’échange les produits… La technicité n’est pas l’apanage de l’homme, et la douceur n’est pas celui de la femme » affirme Delphine Cadoche, Directrice générale du département Consumer Branding chez Dragon Rouge. Certains parfumeurs sophistiqués, comme Serge Lutens, proposent d’ailleurs une gamme de parfums à flacons identiques, dont les parfums sont neutres, non genrés.

L’évolution des stéréotypes ne dépend pas seulement des marques, elle dépend aussi de leurs clients et de leur univers culturel. Dans le cadre des parfums, la saison publicitaire prouve qu’il s’agit majoritairement de cadeaux : dans quels cerveaux les stéréotypes sont-ils ancrés? Il serait intéressant d’identifier s’ils sont présents chez les donateurs et/ou ses bénéficiaires. L’aspect social du parfum implique de ne pas se tromper : en blind, les femmes apprécient les parfums commercialisés dans les hypermarchés : la peur de se tromper n’implique-t-elle pas de se réfugier dans les stéréotypes (des autres, bien sûr !) ?

Un rapport publié en juillet 2013 par l’Inspection Générale de l’Education Nationale demande à ce que « les stéréotypes de genre soient déconstruits et mis à distance », notamment en primaire.

Quelle implication marketing ? Les stéréotypes vont être mis à mal. Les marques ne peuvent pas être en retard, ni trop en avance par rapport aux évolutions de la représentation des genres. Leurs performances en seraient dégradées. Les codes stéréotypés vont s’effacer peu à peu. On adore.

Benjamin SMADJA, Directeur Marketing, aufeminin.com ; Womenology.fr
@womenology

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