11 février 2016

Temps de lecture : 3 min

Moi et les réseaux sociaux : le difficile pari de la transparence

La transparence s’impose peu à peu comme une véritable norme sociale dans le cadre de la mise en scène de soi sur les réseaux sociaux et autres plateformes en ligne. Éclairage.

La transparence s’impose peu à peu comme une véritable norme sociale dans le cadre de la mise en scène de soi sur les réseaux sociaux et autres plateformes en ligne. Éclairage.

Internautes, mobinautes, blogueurs ou influenceurs, nous nous sommes tous mis en scène d’une manière ou d’une autre via les médias numériques. Que ce soit sur Facebook, Tumblr, Instagram ou YouTube, les représentations audiovisuelles de notre vie et de nos expériences sont devenues des pratiques sociales à part entière.

Les outils s’étant démocratisés et adaptés aux usages, il a très vite été possible de modifier de manière assez positive les contenus liés à notre apparence. Instagram semble rendre compte d’un mouvement général significatif : recadrage, filtre, ombre, luminosité, saturation, les possibilités de retouches sont nombreuses et tendent par là de satisfaire un besoin de reconnaissance en même temps que la diffusion de ces contenus traduit une volonté sociale de faire le lien.

De nouvelles pratiques de mise en scène de soi

Or, il s’avère qu’une tendance confirme son enracinement dans le paysage médiatique numérique : finis les filtres qui cachent nos imperfections, finies les couleurs qui rendent nos photos artificiellement belles, finies les ombres qui nous donnent un air mystérieux. Bref, place à la transparence.

C’est le cas par exemple du célèbre hashtag #nofilter (sur Instagram notamment) qui dans son utilisation marque une volonté de partager des contenus authentiques, vrais et sans artifices. Les utilisateurs veulent signifier qu’ils n’ont pas besoin d’un dispositif de magnification de l’image pour exister ou se valoriser socialement. Leur action se veut suffisamment « admirable » pour prétendre se passer des outils de retouches.

Le récent exemple d’Essena O’neill, blogueuse australienne qui a décidé de montrer l’envers du décor de l’utilisation des réseaux sociaux en dénonçant les pratiques de mise en scène de soi (qui plus est pour des marques), est une autre illustration significative de cette tendance. Sandrine Plasseraud, DG de We are social décrivait le phénomène pour INfluencia, il y a quelques semaines : « Dans sa vidéo de 17 minutes, Essana raconte les coulisses de sa vie qui faisait rêver son demi million de followers et dépeint une réalité beaucoup moins glamour, la vie d’une jeune adolescente qui rêvait d’être parfaite, d’être aimée, et qui depuis l’âge de 12 ans a cherché une approbation sous la forme de likes et de vues de la part de la communauté. Aujourd’hui âgée de 19 ans, son constat est amer, elle dénonce des années perdues à vivre une vie fictive, où chaque photo nécessitait une centaine de poses, où chaque photo était en réalité une photo de promotion pour un produit, des photos pour lesquelles elle pouvait être rémunérées jusqu’à 2000$… ». (lien)

Enfin, et dans un genre différent, la prolifération des vloggs -ces vidéos d’inconnus ou starlettes du web qui racontent « simplement » leur quotidien via une vidéo qu’ils diffusent ensuite sur différentes plateformes- s’inscrit directement dans cette tendance à la transparence dans la mise en scène de soi sur les réseaux sociaux.

L’opacité de la transparence

Toutes ces pratiques, qui tendent à nous rendre visible face au monde et nos proches, posent un certain nombre d’interrogations. Car en tentant de prendre du recul par rapport aux outils de retouches des images, ces internautes recréent en fait une nouvelle forme de mise en scène de leur personne.

Jamais Essena O’neill n’aura autant gagné en visibilité et en notoriété qu’en décidant de « jouer la transparence » sur les réseaux sociaux. De cette manière, la blogueuse réalise un coup marketing avec pour credo : « Social Media is not real life ». Virage à 180 degrés donc. Néanmoins, il est légitime de questionner son attitude, car en dénonçant un système dans lequel elle s’est insérée, la jeune blogueuse se l’est rapproprié en ouvrant un blog, non sans intentions mercantiles.

Et c’est là toute l’opacité de la transparence qu’implique la représentation de soi sur les réseaux sociaux. En même temps que l’utilisation du hashtag #NoFilter traduit une volonté d’authenticité de l’image, sa production, elle, reste invisible. Autrement dit, ce n’est pas parce que des internautes utilisent un mot-clé pour signifier la transparence de leur production visuelle que celle-ci l’est totalement. L’instance de production reste bel et bien opaque. Le processus est exactement le même avec l’exemple des vloggs à travers lesquels on perçoit une image spontanée, authentique et transparente des protagonistes mais qui est pourtant bien post-produite grâce aux montages, notamment.

Même si la mise en scène de la vie quotidienne à travers les médias numériques se veut de plus en plus transparente, elle n’en reste pas moins pensée, montée, racontée et instrumentalisée. Comme l’indique le sociologue des médias, Rémy Rieffel, c’est toujours par « souci de validation de son image et de ses goûts » et par « logique relationnelle » que se traduit la mise en scène de soi sur les réseaux sociaux. Au risque de construire une illusion de la transparence ?

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