23 octobre 2013

Temps de lecture : 5 min

Agences-annonceurs: comment répondre aux défis du marketing ?

A l'heure de la fusion Publicis-Omnicom, tour d'horizon des relations agences-annonceurs et de l'évolution des agences dans le monde entier à l'occasion de l'Adforum Summit qui a eu lieu à New York du 7 au 12 octobre 2013.

La fusion Publicis – Omnicom, « POG », est symptomatique d’une mutation de « l’éco système marketing ». La nature de cette évolution a été centrale dans les échanges qui ont eu lieu entre les consultants en marketing management et en sélection d’agences de plusieurs pays et les patrons des agences qui structurent le marché publicitaire, à l’occasion de l’Adforum Summit, il y a quelques jours.

Alors qu’Internet a fêté ses vingt ans, la technologie numérique continue de provoquer de profondes mutations du comportement des consommateurs. Les conséquences qui en découlent pour les professionnels du marketing (annonceurs, agences, consultants) suscitent de nombreuses interrogations. Dans un marché saturé d’offres qui tendent à se ressembler, la quête du consommateur et de son pouvoir d’achat reste au cœur de préoccupations de tous les opérateurs. Prolifération des données, mutation des médias du web vers le mobile, mutation des réseaux de distribution sous la pression du e-commerce, course à la croissance dans les pays à potentiel, les annonceurs recherchent des solutions…

Les agences apportent des réponses partielles aux problématiques des annonceurs

Les agences de réseau internationales restent les partenaires privilégiés des marques mondiales. La pression concurrentielle les incite à développer des solutions personnalisées pour leurs grands clients. Pour simplifier la relation entre le client et l’agence en créant de la transversalité, elles constituent des équipes pluridisciplinaires dédiées. Au sein du groupe WPP, l’équipe Redfuse en charge de Colgate est composée de Y&R (publicité), Landor (design), MEC (media), Wunderman (CRM), Bravo (360). Chez Interpublic, Mac Cann a adopté cette approche pour L’Oréal. Bien que personnalisées pour répondre aux attentes des clients ces organisations connaissent deux limites : la taille des équipes (Team Detroit chez WPP pour FORD plus de 1000 personnes) et le manque d’ouverture à d’autres secteurs qui asphyxie les ressources de l’agence dans la durée.

La maîtrise des problématiques internationales

Les holding companies revendiquent également la maîtrise des problématiques internationales, ainsi le réseau GREY a gagné HSBC en intégrant les particularités des différentes zones géographiques du client, et en partageant les stratégies sur un réseau communautaire mondial interne à l’agence : Grey Guild. La course à la croissance que se livrent les agences au travers des holding companies pose la question de la qualité de service qui sera délivrée aux annonceurs dans des structures si importantes. Maurice Lévy, CEO de Publicis Groupe, justifie la fusion avec OMNICOM par la nécessité de disposer de la taille critique permettant de mobiliser des ressources technologiques et humaines considérables pour répondre aux annonceurs en matière de management des données. Les autres holding companies (Havas, Wpp) ne sont pas de reste et organisent des pôles data en recrutant des talents avec une expertise statistique « Chief Data Officer » pour répondre à ce nouveau challenge. La question reste toutefois posée : ces groupes de taille plus petite auront-ils les moyens de financer les investissements dans la technologie ?

Dans chaque holding les réseaux se concurrencent

Au sein de chaque holding company, les différents réseaux, point de contact privilégié avec les marques, sont en concurrence les uns avec les autres. Concernant le groupe Publicis, Publicis Worldwide est aujourd’hui confronté à Léo Burnett, Saatchi &Saatchi/ Fallon, BBH et demain fera face à BBDO, Goodby, TBWA Chiat Day, DDB dans le cadre de la fusion. Le nouveau CEO Arthur Sadoun, affiche son souhait de faire monter le réseau en puissance par un renforcement des fondamentaux (stratégie, création, talents), mais aussi plus de transversalité et d’agilité.

Le rôle du digital

Les agences interactives ont fortement évolué pour répondre aux problématiques d’émergence dans le domaine digital (web, réseaux sociaux, mobile), les savoir-faire en création de contenu et stratégies de contact convergent. Les agences précurseurs se sont dotées d’une expertise sur les réseaux sociaux : Huge (IPG), certaines sont nées de l’ère du social marketing et évoluent vers des stratégies plus globales : Critical Mass (Omnicom), d’autres sont originaires du référencement et ouvrent leur offre : ICrossing (Hearst). Pour les holdings companies, les offres sont régulièrement remaniées, ainsi au sein de Publicis Groupe, LBI, agence digitale, se rapproche de MRY, agence de social marketing, et il est question de la disparition de la marque DIGITAS. Le savoir faire digital perd de sa spécificité, alors qu’il se diffuse dans tous les métiers.

Les agences médias voient leur métier évoluer

Le métier des agences média a également été profondément transformé par l’usage de la technologie. A l’égal de ce qui s’est passé pour les marchés financiers, les « trading software » se développent pour traiter la fonction achats (Real Time Bidding). Sir Martin Sorrell, CEO de WPP, revendique une approche transversale et collaborative au sein de son groupe. Ainsi, Group M, la holding media interne, qui gère les expertises et les achats d’espace pour les 4 marques du groupe (MEC, Mediacom, Maxus, Mindshare) dispose d’une force de frappe et d’outils technologiques avancés (ie Pearl outil de médiaplanning de Mediacom). Des gains de productivité sont ils possibles grâce aux volumes d ‘achats gérés par des holding companies plus grandes ? Les différents CEO : David Jones (Havas), Miles Nadal (MDC), Michael Roth (IPG) en doutent. Les volumes permettront de financer la technologie mais à l’exception du web, seules des synergies marginales semblent possibles.

Le rôle des agences de « shopper marketing » se renforce

Les agences de « shopper marketing » voient leur rôle renforcé pour répondre à la pression du e-commerce sur les distributeurs. Elles adoptent de technologies numériques pour scénariser le point de vente, véhiculer les offres ou encore développer des techniques de marketing expérientiel. Cette discipline connaît un fort développement, des agences indépendantes comme ACOSTA ou MARS, ou encore l’agence de merchandising CREATIVE REALITIES qui opèrent au niveau régional atteignent des tailles importantes. Pour profiter de cette opportunité, les « holdings companies » restructurent leur offre pour la doter d’une forte dimension stratégique et d’une capacité opérationnelle d’envergure : OGILVY Action se rebaptise pour former GEOMETRY.

Les annonceurs recherchent des solutions en dehors de l’univers des agences

La maîtrise des volumes de données et de la complexité opérationnelle a conduit d’autres opérateurs que les agences à investir le marché du marketing management. Ainsi certaines agences se trouvent parfois en compétition avec Salesforce, leader mondial de technologie spécialisée dans le domaine du CRM, ou encore EXPERIAN, spécialiste du marketing décisionnel, dans le domaine de la data. Pour rester compétitives, les agences vont devoir se doter de talents mais aussi d’outils technologiques. Deux domaines qui vont nécessiter de lourds investissements. Les annonceurs vont ils les soutenir ? Dans cette époque de perte de repère, la valeur ajoutée des agences est remise en question par les services achats des clients, qui exercent une forte pression sur les marges. L’approche financière des annonceurs doit prendre en considération que le marketing est un investissement et non un coût, et rémunérer au juste prix les talents et les outils, au risque de paupériser le service apporté par les agences.

Connaissance client, data management, mutation de la distribution, ouverture internationale: les problématiques majeures des annonceurs.

Opérant dans un écosystème où tous les opérateurs sont interdépendants, ils se doteront probablement demain de plates-formes technologiques qui leur permettront de garder la maîtrise de leurs opérations en collaboration avec les agences qui leur apporteront la flexibilité et les talents. La différenciation des agences et l’appréhension de leurs qualifications exige un travail de fonds et une connaissance intime : les consultants et tiers qui accompagnent les marques ont un rôle important à jouer pour éduquer leurs clients sur la nature du métier et ses évolutions.

Florence Garnier
Fondatrice de MARKETING EFFICIENCY

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