11 avril 2018

Temps de lecture : 8 min

En 2018 la responsabilité sera partagée par tous les citoyens

Non au déclinisme. Il est temps d’agir, individuellement et collectivement et de prendre les problèmes à bras le corps. Tel est le constat de la 11ème édition du cahier « Tendances » du Groupe M6 Publicité qui analyse les principales évolutions marketing, créatives et sociétales pour l’année à venir.

Non au déclinisme. Il est temps d’agir, individuellement et collectivement et de prendre les problèmes à bras le corps. Tel est le constat de la 11ème édition du cahier « Tendances » du Groupe M6 Publicité qui analyse les principales évolutions marketing, créatives et sociétales pour l’année à venir.

Après une année 2017, marquée par le poids de l’intelligence artificielle, une inquiétude croissante sur les données personnelles, et par les interrogations sur le rôle des femmes dans la société, que nous réserve 2018 ? « Les Français hésitent entre le chaos -l’impression que le monde bouge mais a de moins en moins de sens- et l’espoir. Le niveau de confiance en l’avenir est revenu au même niveau qu’avant la crise », répond la nouvelle édition de  » Tendances  » menée chaque année depuis 11 ans par le Groupe M6 Publicité, en collaboration avec Sociovision et Nelly Rodi.

L’étude distingue trois grandes tendances :

1. Le hacking démocratique

« Aujourd’hui il faut reprendre le pouvoir avec audace, lancer des idées nouvelles rupturistes ou radicales, ne plus rien se refuser en termes d’imagination. Avec un objectif : améliorer l’existant, le remplacer s’il le faut. Place au mass power. En 2018 on se donne plus de libertés, mais dans l’intérêt de tous », constate Kim Younes, directrice marketing innovation et études.

L’étude relève trois sous-tendances :

– Les rêves collectifs. Gucci lance la campagne « Tous dans la rue », où les jeunes rebelles défient l’establishment. Le « World Clean Up Day » espère rassembler 5 % de la population mondiale, 120 pays ont annoncé leur participation à la prochaine édition en septembre. De son côté, la blockchain devient solidaire : l’UNICEF a ainsi lancé l’opération Game Changers pour rassembler des fonds pour venir en aide aux victimes de la guerre en Syrie. « Ces projets ont tous une dimension utopique, mais quand il s’agit de lutter contre la dystopie, on a envie d’y croire », souligne K. Younes, comme dans la campagne « Utopian Families » de Gucci. Pour certains, c’est une manière concrète de changer la société. Le livre de Rutger Bregman « Utopies réalistes », qui a connu un grand succès de ventes, parle de revenu de base universel, de la semaine de travail de 15h, d’un monde sans frontières, etc. « Il y a un optimisme qui renaît, l’idée que l’humanité ne progresse que grâce aux grands rêveurs. L’utopie peut être une réponse concrète », poursuit K. Younes. C’est le cas par exemple du co-living, comme en Grande-Bretagne, avec le projet Old Oak, qui abrite à Londres la plus grande colocation du monde.

– Les fauteurs de trouble. « On constate également une envie de liberté, de mettre un peu de chaos, de vouloir challenger les leaders, explique Anne Feuillas, chargée d’études senior, les marques et les consommateurs deviennent des compagnons de transgression ». Au travers de son « marché interdit », Carrefour et son agence Marcel proposent ainsi à la vente une offre de fruits et légumes issus de semences paysannes dans une quarantaine de magasins franciliens et bretons jusqu’alors jamais commercialisées en grande surface et lance une pétition pour interpeller les pouvoirs publics sur la question et donner la possibilité aux consommateurs citoyens de manifester leur soutien. Au Danemark, Dove casse également les codes et hacke l’industrie publicitaire et les banques d’images qui stéréotypent les femmes via « Image_Hack », une campagne où des photos de femmes indépendantes et originales sur Shutter Stock se substituent aux clichés glamours et ultra-sexualisés qui envahissent le web. Diesel va encore plus loin et hacke son propre logo en créant un magasin éphémère à New York où sont vendus des vêtements estampillés « DEISEL ». De son côté, la marque de bière Ubrew a poussé toutes les marques d’alcool du monde à faire sa promotion… En appelant sa nouvelle bière « Responsibly », (« the beer that all the other beers ask you to drink ») UBrew tirait parti au mieux de la législation sur les publicités chaque fois que des marques d’alcool rappelaient à tous sur Twitter de boire avec modération (« Drink Responsibly »). UBrew répondait en temps réel à ces tweets, en les remerciant pour leur gentille publicité gratuite.

– La diffusion du savoir. « À l’heure des fake news et des alternative facts, on n’ a plus envie des modèles actuels où la connaissance est détenue par les élites. Les sciences sont une clé pour maîtriser notre environnement », souligne Kim Younes. La March for Science a ainsi été répliquée dans plus de 600 villes. Les marques elles-mêmes nous encouragent dans cette voie, comme L’Oréal #nowyouknow afin de donner envie aux collégiennes et aux lycéennes de se lancer dans les sciences et de les envisager comme un avenir potentiel.  D’autres choisissent de partager leur savoir, comme Ikea, qui en collaboration avec Space 10, un studio danois de création a inventé la Growroom, un jardin urbain permettant aux gens de cultiver leur propre nourriture localement et de manière écologique et dont elle a mis à disposition gratuitement les plans, afin que chacun puisse créer le sien.

2. Le nouveau contrat de consommation

« Aujourd’hui, on le sait, les nouvelles technologies peuvent nous aider, mais sommes nous prêts vraiment à abandonner notre pouvoir de décision ? Face à l’hyperchoix et à la sur-sollicitation, l’hyper-personnalisation est-elle la solution ? Les consommateurs vont-ils privilégier l’esprit libre ou le sens qu’ils portent à leur consommation ? », constate Anne Feuillas, chargée d’études sénior. L’étude met en lumière trois sous-tendances :

– Déléguer le choix. « L’intelligence artificielle est aux commandes. On confie de plus en plus une décision d’achat aux nouvelles technologies. L’arrivée de la voix est un vrai changement de paradigme pour les interfaces entre l’homme et la machine », explique K.Yuones. Monoprix est ainsi le premier distributeur à exploiter le conversationnel sur Google Home. Cet hiver Oprah Winfrey proposait son célèbre guide cadeaux sur Alexa, la voix d’Amazon. « 53 % des utilisateurs de smartphone dans le monde sont d’ailleurs favorables à ce que leur assistant vocal anticipe leurs besoins en leur faisant des suggestions, et même achète un produit de marque en leur nom », révèle l’étude Speak Easy de J.Walter Thompson.

– Faire face à l’hyperchoix. « Les consommateurs savent qu’ils doivent gérer l’hyperchoix. Mais la nouveauté est que les marques en ont pris conscience et se saisissent du thème de la déconsommation », commente K. Younes. Volvo lance « Care by Volvo », son propre service de véhicules sur abonnement. « By not owning things, you are not owned by things », (Si vous ne possédez pas les choses, elles ne vous possèdent pas ), affirme la marque. En parallèle, on nous aide à faire le tri en proposant un offre réduite. Comme celle de ce libraire au Japon qui propose un seul livre par semaine. Pour faire face à l’hyperchoix les consommateurs consomment moins mais aussi plus juste. Le sur-mesure peut être une vraie réponse, comme le pratique La Bouche Rouge, startup incubée chez Station F et lancée par un ex-L’Oréalien, qui fabrique des rouges à lèvres sans parfum en petite quantité, avec des couleurs sur mesure dans des étuis rechargeables sans plastique, que l’on peut garder à vie. Autre exemple, Figure, mini-laboratoire de formulation cosmétique créé par la société Romy, présente au dernier CES, qui permet de fabriquer des crèmes et des sérums chez soi.

– Faire un choix éclairé. Les marques nous aident dans nos décisions. Everlane, pure player américain créé il y a un peu plus de 6 ans, promeut une transparence totale et « radicale » et des produits éthiques. Chaque fiche article, outre un contenu enrichi (conseils d’entretien, détails sur la composition, l’origine, etc.), fournit le détail des coûts de production pour justifier les prix de vente. 
On va également aller chercher les meilleurs conseils des experts car ce sont les femmes et les hommes de l’entreprise qui en parlent le mieux. Chez la marque de vêtement pour hommes Bonobos, les clients prennent rendez-vous sur le net avec les vendeurs pour des sessions d’essayage d’une heure, sur mesure dans des boutiques zéro stock. Dans la ville d’Alkmaar, en Hollande, la fromagerie Kaan’s Kaashandel a lancé le premier  » Stream Store  » au monde. Il s’agit d’une expérience multicanale qui permet aux clients de commander en ligne des fromages artisanaux en temps réel. Grâce à des caméras installées dans le magasin, l’acheteur peut le visiter et passer sa commande via la vidéo.

3. À l’écoute de soi

« Les individus hésitent entre refuges intérieurs et posture indomptée. On est dans une société hyper stimulante, hyper divertissante, qu’on peut maîtriser par l’écoute de soi-même pour gagner confiance en soi. Les marques sont des partenaires des individus dans leur démarche de bien-être et d’accomplissement », souligne l’étude qui note quatre sous-tendances :

– Reconquérir son intériorité. Dans une époque où le bruit est partout, tout le monde recherche de plus en plus le silence . La start-up américaine Knops a ainsi mis au point des boules quies permettant de « baisser le volume » des bruits ambiants de la ville, d’une écoute normale à un silence total. Le centre commercial Howgate en Écosse, quant à lui, coupe la musique le premier dimanche de chaque mois.
Nous mettons aussi nos sens à contribution. Après « Sounds of the city » en 2016, campagne au cours de laquelle Thalys avait exploré les sons des villes, la marque en 2017 poursuit sa démarche de communication sensorielle en explorant le thème des senteurs, et investit une galerie en plein cœur de Bruxelles pour proposer un voyage olfactif à Paris, Bruxelles, Amsterdam et Cologne. Pour chaque destination étudiée, une quinzaine de senteurs ont été retenues et élaborées. Nous choisissons également de vivre sans peur, comme le dit fièrement la statue de la fillette« The Fearless Girl », installée face au célèbre taureau de Wall Street à New York. Les nouvelles technologies peuvent aussi nous aider à dominer nos peurs. Samsung nous le recommande d’ailleurs : « #BeFearless ».

– Être bien dans sa tête et dans sa peau. De plus en plus de marques vont dans ce sens. Lululemon organise des tournées de méditation dans des bus qui circulent dans Londres.

– Convier l’originel. Nous sommes en quête d’un rapport plus charnel à la nature, comme dans la campagne Moncler, shootée par l’artiste chinois Liu Bolin, et la photographe américaine Annie Leibovitz dans un majestueux paysage d’hiver nordique glacé en l’Islande avec ses glaciers qui se reflètent dans les eaux gelées à la lueur métallique. Nous reconsidérons également la place de la nature dans notre quotidien. Sur son campus de Redmond, Microsoft incite ainsi ses employés à travailler depuis des cabanes dans les arbres.

Le nouveau voyage, synonyme d’extrême, fait également partie de cette recherche de relations plus fortes avec la nature. Mike Horn revient sur M6 avec l’émission Cap Horn pour relier les pôles. Le secteur du tourisme , notamment haut de gamme est également impacté. Blue Marvel Private, une agence de voyages londonienne propose des voyages sur… le Titanic. Et si on préfère les hauteurs, on peut toujours aller voir le pop up store de 37.5 technology à 1800 mètres au-dessus du sol. Plus étonnant encore : le recours à des formes anciennes de spiritualité qu’on va dépoussiérer. L’occultisme fait des émules aujourd’hui car c’est une façon de se rapprocher de la nature et d’appréhender le monde. Sur internet Witches of Instagram fait un tabac. .

– L’art pour s’évader. Les marques se rêvent artistes, mettent en avant les grands maîtres de la peinture et nous invitent à l’émerveillement. Ruinart lance Petit R, une expérience immersive utilisant des videomapping en 3D et le concept d’anamorphose. La marque de chaussures polonaises Kiwi lance une campagne où elle imagine le bas du corps de plusieurs toiles célèbres, comme la Joconde ou l’autoportrait de Vincent Van Gogh.  Le film Lexus met en scène un couple à bord du nouveau Lexus qui va vivre un voyage artistique au cœur des chefs-d’œuvre les plus célèbres de l’art classique ou moderne : La jeune fille à la perle de Vermeer, Les tournesols de Van Gogh, la Composition A de Mondrian, la sculpture Balloon Dog de Jeff Koons, Les bains à Asnières de Seurat. Une balade qui s’achève dans le célèbre dîner d’Edward Hopper.

Alors les Français choisiront-ils le chaos ou l’ espoir  ? « Un fait est certain, répondent les deux expertes. Il faut refuser le déclinisme. Le collectif jouera un rôle capital, nous agirons et ressentirons ensemble. Nous chercherons du sens dans les actions que nous menons, dans nos achats et dans notre relation aux marques. En 2018 la responsabilité sera partagée par tous les citoyens et sera au cœur des actions de la marque. Elle reposera aussi sur soi pour trouver sa place et reprendre la main sur un futur qui semble parfois nous échapper ». Un beau challenge.

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